Chapitre 1 : L’Utopie.
-Et nous allons maintenant nous intéresser au
cas de Lubylla, entama alors une voix à la radio. Lubylla est un magnifique
pays, bordés de montagnes et orné de forêts luxuriantes. Mais Lubylla est riche
également. Très riche, et n’en déplaisent aux autres régions voisines, rayonne
avec condescendance sur les autres puissances. Pourquoi ? Car Lubylla ne
connaît pas leurs problèmes. Lubylla n’a jamais faim, ni soif, et ses habitants sont heureux, ils
ignorent même l’existence du chômage. Il est très rare d’y croiser ne serait-ce
qu’un seul SDF, et les cas de criminalités sont de plus en plus rares. Ailleurs,
on la surnomme «l’Utopie » et Lubylla porte avec fierté ce titre, elle en
a fait une philosophie, un règne, un empire !
-Mais dites-moi
Michel, lui répondit une autre voix. Secrètement, le reste du monde jalouse la
réussite de Lubylla non ?
-Très bonne
question, reprit la première voix. C’est tout l’inverse en réalité. Les foules
se déchaînent pour visiter ce pays. La Terre entière adore Lubylla ! Et
pourquoi ? Pour la même raison qui fait que ce pays surpasse de loin les
autres.
-Je vous en prie,
ne nous faites pas languir plus longtemps !
-C’est à cause de
ses terribles Festins !
-Des festins qui
n’ont rien de gastronomiques si je comprends bien Michel ?
-Ah… Voyons, de nos
jours, qui n’a pas entendu parler des festins au moins une fois dans sa
vie ?
-Certes, mais
qu’est-ce qu’un Festin exactement ?
-Ce sont des
spectacles uniques au monde. Commença alors la première voix, avec une
intonation beaucoup plus passionnée. Des évènements sanglants et féroces, un retour aux sources de l’espèce humaine.
Personne ne reste indifférent à de telles visions. Personne.
-A vous entendre
Michel, cela donne envie ma foi !
-Rien qu’à
l’entendre, on a envie d’essayer, et une fois qu’on a gouté aux Festins, il est
difficile de ne pas en reprendre une petite tranche à vrai dire ! Jamais
depuis des siècles et des siècles, l’Homme n’avais pus connaître une telle
sensation, une telle adrénaline. Bien sûr il y avait quelques sports y
ressemblants, tels que la Boxe ou le Catch, mais rien, je di bien rien n’a jamais
égalé les frissons que vous procure un Festin. Ces Festins tout de même bien
plus intéressant à regarder en direct au contact même avec les gradins, ou
l’ont peut ressentir toute leurs émotions… Mais ils n’en restent pas moins admirés
et adulés par les spectateurs
- Mais pourquoi n’y
a-t-il de Festin qu’à Lubylla ?
-Pour une raison toute aussi simple que
compliquée Jean-Pierre : Il n’y a pas –ou du moins très peu- de citoyens
qui y figurent. La majorité, et c’est un euphémisme, je devrais plutôt dire la quasi-totalité, des
participants sont des esclaves. Des esclaves s’approchant plus de la bête que
de l’Homme . Des esclaves entraînés à se battre et à mourir. Des esclaves offrant tout leur art à la foule
et au monde !
-Des
esclaves ? Dites en plus, pourquoi force-t-on des gens à y jouer ?
-Car les Festins
sont en réalités des combats sans aucune limite, ni pitié. Des matchs à mort
entre hommes et femmes prêts à tout pour survivre, et qui n’hésiteront pas une
seconde à vous mettre en pièce pour cela.
-Mon dieu ! s’exclama
la seconde voie, dans une intonation presque crédible.
-Si Lubylla est une
utopie aussi parfaite, c’est uniquement grâce aux Festins. S’il n’y a pas de
chômage et si Lubylla est riche c’est encore grâce aux Festins. Autrement dit,
si Lubylla porte son titre d’Utopie, c’est grâce à ses esclaves, et à notre
admiration à tous pour ses jeux diaboliques…
-Vous dites
« Esclaves », cela inclus donc des « Maîtres » non ?
- Tout à fait. Il y
a des marchés aux esclaves, comme avant, ou l’on peut si on a les moyens,
investir dans son propre gladiateur, et lui faire faire des matchs contre
d’autres esclaves.
-Ces matchs amènent
des paris, et font la fortune ou la ruine des habitants de ce pays n’est-ce
pas ?
-Très juste. Mais
très vite, de véritables Clubs se sont formés, de grandes écoles de gladiateurs
se sont vite crées, où les esclaves s’entrainent pour être les meilleurs des
meilleurs. Comme de nos jours avec les grands clubs de football qui
s’affrontent lors de matchs mondialement retransmis, tous les deux ans, la
Coupe des Roi fait s’affronter les meilleurs gladiateurs des meilleurs écoles,
et est suivie par le monde entier. Autant dire qu’en l’espace de vingt ans, les
Festins sont devenus le véritable sport national de ce pays, avec ses propres
héros et légendes.
-Comme Le
Tigre par exemple ?
-En effet. Qui de
nos jours ne connaît pas le Tigre ? De son vrai nom Anthony Speranzo.
C’est l’homme le plus célèbre du monde,
l’idole des jeunes comme des plus vieux. Et ironiquement, c’est un esclave.
-Nous voila bien
renseignés. Je suppose qu’il est grand temps d’accueillir nos invités n’est-ce
pas ? Alors, qui avez-vous invité cette fois ci ? Le Tigre en
personne ?
La première voix
feinta un rire.
--Hélas, Le Tigre est un homme très pris, il n’a pas
eu la liberté de nous répondre je crois ! dit la première voix en laissant
échapper un rire moqueur, partagé par son voisin. Non plus sérieusement, il est
très rare qu’on puisse parler à un esclave de haut niveau, comme Le Tigre par
exemple. Leur maîtres refusent systématiquement, par confidentialité, et c’est devenu une sorte de tradition.
Toutefois, afin de garder de bonnes relations avec la presse, ils se sont mis
d’accord pour accorder une interview privés à leur esclave lors de chaque
cérémonie des grands festins, comme lors de la finale de la Coupe par exemple. Mais
nous avons eu au téléphone, une des ferventes opposantes aux festins,
mademoiselle Dulac. Interview :
« -Bonjour
mademoiselle Dulac.
-Bonjour à vous, et
à tous vos éditeurs.
-Vous êtes
mademoiselle Amanda Dulac, Avocate et vice présidente de l’association de la
Lutte Contre les Festins, pouvons nous avoir votre point de vue sur la chose ?
-C’est tout
bonnement intolérable, et la LCF…
-La Lutte Contre
les Festins, précisons, coupa le journaliste.
-Oui, la LCF donc
et moi-même trouvons ces jeux barbares et insultant à notre civilisation. Nous
avons évolués socialement et technologiquement, et tout ça pour quoi ?
Revenir aux rites barbares de nos ancêtres romains ? L’Homme n’a pas
besoin de toute cette atrocité en plus de toute cette violence télévisuelle qui
pervertit depuis trop longtemps déjà nos jeunesses.
-Vous-même en tant
qu’avocate pénale, ne trouvez vous pas que la criminalité de Lubylla à
fortement baissée ?
-Certes, et
pourtant, je ne suis pas au chômage ! Et d’ailleurs, tant mieux, sinon je
risquerais de vite devenir une esclave…
-N’exagérez vous
pas un peu ?
-Malheureusement
non. Si vous devenez SDF, sans personne pour compter sur vous, vous ne passez
pas un mois dans les rues. Alors, vous devenez malhonnête. Ma dernière affaire
traitait d’un homme qui avait perdu sa femme, son boulot, son argent, lors d’une
cérémonie un peu trop arrosée. Il a finit par dormir chez son ex, devant son
paillasson. Elle a appelé la police. J’ai pus le faire libérer, avec sursis. S’il
recommençait une bavure, il gagnait un aller simple pour l’arène. On l’a
retrouvé dans un entrepôt pharmaceutique, victime d’overdose, car il préférait
choisir sa mort.
Malheureusement pour lui, il a pu être sauvé, et on pouvait le voir trois
semaines plus tard sur toutes les chaînes câblées, la tête détachée du reste du
corps. Et c’est chaque fois la même chose, tous mes clients ne le sont que le
temps d’une affaire ou deux, avant de devenir une distraction.
-Toutefois, vous ne
pouvez pas nier que les festins vous ont permis, à vous les Lubylliens, d’être
la première puissance mondiale ?
-Certes, et à quel
prix ? Hélas, il faut croire que l’argent et le pouvoir priment sur la
moralité des dirigeants de cette époque… Quelque fois, j’ai vraiment honte d’être
Lubyllienne.
-Merci mademoiselle
Dulac »
-C’était un message
énervé semble t’il.
-C’est tout l’inverse
de ce que la maîtresse du Tigre à bien voulu nous dire lorsqu’elle nous accordé
cinq minute de son temps :
« -Bonjour
Alicia Chen
-Bonjour Michel.
-Vous êtes la
présidente de l’Empire Lubyllien, le club qui possède le Tigre, qui est le
favori pour gagner la Coupe cette année non ?
-C’est exact, acquiesça
la maîtresse.
-Comment
trouvez-vous la condition des esclaves ?
-Oh vous savez, je
pense qu’ils sont très bien traités. Regardez-les lors des cérémonies, ne sont-ils pas beaux et bien portants ?
Non, mes collègues et moi pratiquons ce sport à très haut niveau, et nous
vivons par, et pour nos esclaves. Jamais, dans notre intérêt, nous ne leur
ferons de mal.
- Jugez-vous les
Festins comme une chose immorale ?
-Absolument pas, ce
n’est pas plus immoral que d’électrocuter quelqu’un sur une chaise. Certes, ce
n’est pas l’activité la plus saine au monde, mais nous rendons justice au monde
en faisant ainsi. Je pense que nous avons la chance de vivre dans un pays qui
permette d’avoir justice, plaisir, et pour nous, de l’argent, répondit-elle en
ricanant gentiment.
-Depuis combien de
temps avez-vous acheté Le Tigre ? Vous avez des projets pour lui ?
-Oh, cela fait
trois ans qu’il combat pour moi. Trois ans, et aucune défaite Michel ! Et
je pense qu’il y a de bons espoirs pour que la coupe soit décernée à l’Empire
Lubyllien cette fois ci. Concernant l’avenir de mon cher Tigre, je répondrais à
toutes les questions lors de la cérémonie des demi-finales.
-Très bien, merci
Alicia Chen, au revoir.
-Ce fut un
plaisir. »
_____
Sept coups de feu venaient
de partir.
Le Tigre venait
juste de faire quatre nouvelles victimes. Situés à une vingtaine de mètres de
ses confrères, Antony avait couru latéralement d’un pilier à un autre, en
appuyant sept fois sur la détente. Il regarda son compteur : Quatre
victimes. Son chargeur n’avait plus que trois balles à lui offrir, et il
restait deux esclaves à abattre. Toujours caché derrière un pilier, il
attendait patiemment le moindre signe de vie de ses adversaires. Il profita
d’un coup d’œil furtif pour repérer les positions de ces cibles. L’une derrière
un coffre en bois, à cinq mètres, et l’autre derrière un pilier. L’une d’elle
tira tout près d’où Antony s’était caché. Il riposta aussitôt dans sa
direction. Juste après, une pluie de détonation ricocha tout prêt de son
oreille. Antony Speranzo analysa la situation, calmement, comme il aimait
faire. Il ne lui restait qu’une seule balle, et une mini guerre de position
venait de s’installer entre lui et ces cibles. Tout d’un coup une cible bougea.
Il le senti, c’était devenu un instinct chez lui, il savait quand il devait
tirer. Il lui restait deux balles, et un ennemis approchait de lui furtivement,
du moins se le croyait-il.
En une fraction de
seconde, Anthony pressa la gâchette. Quand tout d’un coup, un frisson le
parcouru, en même temps qu’il tira. Une vague de froid lui grimpa aussitôt de
la tête aux pieds et il réalisa, furieux, qu’il avait raté sa cible, qui était partie
se cacher.. Son calme et sa patience légendaire disparurent en même temps que
sa prudence. Il devait en finir vite avec ce combat, c’était vital. Il
ressentit ce que les meilleurs Esclaves de L’Empire Lubyllien connaissent
tous : le Besoin.